Améliorer la compétitivité de l’agriculture bio plutôt qu’augmenter les surfaces
Missionné par le ministère de l’Agriculture, le CGAAER appelle à la construction d’un nouveau plan d’action en faveur de l’agriculture biologique, en privilégiant notamment une territorialisation des politiques de soutien et en améliorant la compétitivité des filières.
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Quelles pistes pour réchapper de la crise du bio en France ? Dans un rapport dévoilé par le média Contexte le 2 septembre 2025, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) recommande à l’État d’apporter « des réponses plus structurelles afin d’améliorer la compétitivité des modes de production bio ». Commandé en juillet 2024 par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le rapport se penche aussi sur les raisons de la récession du bio depuis 2019, autant en ce qui concerne l’offre que la demande française.
Pour la première année, 2024 enregistre un recul de 2 % de la surface agricole utile (SAU) en bio pour atteindre 10,1 %, contre 10,3 % en 2023, bien loin de l’objectif de 21 % inscrit dans la loi d’orientation agricole adoptée en mai 2024.
Si les consommateurs motivés et à fort pouvoir d’achat, ainsi qu’une offre qui s'est développée avec des pratiques conformes aux cahiers des charges ont permis une forte croissance de l’agriculture bio (AB) jusqu’en 2019, les auteurs du rapport constatent que le modèle se heurte depuis à deux limites. D’abord, « les nouvelles exploitations à convertir sont très éloignées des critères bio », les évolutions a mettre en place pour entrer dans le cahier des charges bio sont donc plus importantes, ensuite « les nouveaux consommateurs à convaincre sont moins motivés, et sont soumis à des contraintes économiques ».
Un paradoxe créé par l’État
« Les pouvoirs publics ont tenté de freiner la crise avec des outils conjoncturels comme la stimulation de la demande et le soutien des exploitations agricoles les plus touchées », mais sa persistance « appelle des réponses plus structurelles afin d’améliorer la compétitivité des modes de production bio, notamment sur le marché intérieur français », estime le CGAAER.
Il soulève ainsi le paradoxe suivant : « Mise à part la loi Egalim, qui prévoit 20 % de bio dans la restauration collective, le bio ne fait l’objet d’aucune mesure légale ou réglementaire qui viendrait le rendre obligatoire. Dans la mesure où les productions et les produits issus de l’AB sont en concurrence avec d’autres produits, l’État cherche à maintenir une certaine neutralité économique à son action. L’absence de contestation de la part de l’agriculture conventionnelle laisse penser que dans la plupart des cas les aides à l’AB sont très inférieures au coût du passage et du maintien en bio, et que seul le consentement à payer du consommateur maintien économiquement l’AB. »
Se structurer autour d’organisations de producteurs
Alors que le label AB est aujourd’hui géré par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la première recommandation du rapport vise une structuration différente, sur le modèle des autres signes de qualité et d’origine (SIQO) organisés autour d’organismes de défense et de gestion (ODG) distincts de l’État. La mise en œuvre d’une telle mesure nécessite « une réforme de la gouvernance et des missions de l’Agence bio » afin d’impliquer davantage les interprofessions, ce qui renforcerait in fine la compétitivité du bio, indiquent les auteurs.
Clarifier les raisons du soutien de l’État
Plutôt que de piloter le développement de l’agriculture biologique par les moyens et modes de production qui permettent de les atteindre, le rapport enjoint l’État à fixer des objectifs stratégiques qu’une plus grande surface en bio permettrait d’atteindre, comme par exemple la réduction de l’usage des pesticides et des engrais de synthèses. « Une clarification des raisons du soutien de l’État serait utile, et de nature à placer les acteurs du bio devant leurs responsabilités pour assurer l’essor de ce mode de production ou faire évoluer le label s’ils le souhaitent », souligne le CGAAER.
Territorialiser le soutien et le pilotage
Aussi, il appelle à territorialiser les actions de soutien au bio dans la prochaine Pac ou dans un plan bio national, en lien avec les collectivités territoriales, afin de mieux prendre en compte la réalité des territoires dans le soutien financier, notamment par filière : « L’écart technique et économique entre les modes de production bio et conventionnels est très variable selon les cultures et les territoires. Une action territorialisée et ciblée permettrait de mobiliser davantage les ressources publiques là où les enjeux publics sont les plus forts. »
Selon le CGAAER, le cahier des charges bio gagnerait à être amélioré en écoutant les attentes des consommateurs, sous l’égide des professionnels. Pour cela, il recommande notamment « la mise en place d’une déclinaison régionale et territoriale du logo AB national ».
Davantage de financements
En outre, si le rapport plaide pour la responsabilisation des intermédiaires (fournisseurs d’intrants, collecte, transformation, commercialisation) impliqués dans l’atteinte des objectifs, grâce à « un pilotage et une réglementation contraignante », il appelle également à « la poursuite du développement des actions conjoncturelles pour couvrir les risques et aléas des activités agricoles sous conditions agroécologiques ». En complément des politiques assurantielles, une telle politique attribuerait donc « davantage de financements conjoncturels à l’agriculture biologique qu’à l’agriculture conventionnelle » en cas de catastrophe naturelle par exemple.
Prospective à dix ans
Missionné par le ministère pour envisager « le potentiel en termes de volume de marché du bio à dix ans », le conseil s’avoue incapable d’élaborer une telle prospective, en l’absence de tous travaux de ce type sur la SAU en bio, tant à l’échelle française qu’européenne. Toutefois, le rapport estime qu’à dix ans, le cahier des charges bio « devra nécessairement évoluer pour s’adapter aux nouvelles connaissances et aux nouvelles attentes sociétales ».
S’agissant de la part des surfaces en bio, « le niveau de l’offre en France à dix ans est très incertain, puisqu’il peut être de plus en plus concurrencé par des pays producteurs à climat plus favorable, et avec un coût du travail plus faible », soulignent les auteurs du rapport. « En revanche, si l’État augmente progressivement, par le biais des mesures incitatives, l’écart de financement au profit de l’agriculture bio, il favorisera la conversion d’une partie de l’agriculture conventionnelle en bio. »
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